5 - RŽfŽrendum du 5 mai 1946
L'AssemblŽe constituante qui a en charge
la rŽdaction d'une nouvelle constitution est divisŽe en trois courants
politiques : PCF (159 dŽputŽs), SFIO (146), MRP (152).
Les affrontements entre le MRP et le PCF
dominent les dŽbats et conduisent le premier ˆ s'opposer aux communistes et aux
socialistes qui refusent d'inscrire dans la constitution le principe de la
libertŽ de l'enseignement et la garantie du droit de propriŽtŽ.
Par ailleurs le texte constitutionnel
votŽ par 309 voix (PCF + SFIO) contre 249 (MRP + ModŽrŽs) prŽvoit une AssemblŽe
souveraine assistŽe de deux assemblŽes consultatives (Conseil Žconomique et
social, Conseil de l'Union franaise). De ce fait l'exŽcutif est sous la
dŽpendance directe d'une assemblŽe unique sans contrepoids.
Le gŽnŽral de GAULLE a dŽmissionnŽ de la
prŽsidence du gouvernement le 20 janvier 1946 en dŽsaccord avec la
"dictature des partis" sur l'exŽcutif et la rŽduction des crŽdits
militaires.
La question sur laquelle porte le
rŽfŽrendum est simple : "Approuvez-vous la constitution adoptŽe par
l'AssemblŽe nationale constituante ?".
Si OUI, la Constitution entre en
vigueur, sinon une autre AssemblŽe constituante doit tre Žlue.
Le PCF, la SFIO, la CGT font campagne
pour le OUI.
Les Radicaux, l'UDSR, le MRP et les
ModŽrŽs (IndŽpendants et paysans) font campagne pour le NON, dŽnonant la
dictature de la majoritŽ sinon .... du prolŽtariat.
Curieusement, alors que l'issue du
scrutin est incertaine, de GAULLE se tait, escomptant sans doute que l'instabilitŽ
qui suivrait l'adoption de ce texte ferait de lui un recours.
RŽsultats :
Banyuls
DŽpartement MŽtropole
Inscrits : 2058
(+35/ oct 45) 137.877
24.657.128
Abst. : 628 (30,56%)
(25,61%) (19,3%)
Votants : 1430 (69,48%)
(74,39%) (80,6%)
Blancs : 18 ( 1,26%)
( 2,18%) ( 2,58%)
S.Expr. : 1412
(68,61%)
(72,77%) (78,6%)
Oui :
996 (70,53% S.E)
(66,1% S.E) (47%
S.E)
NON :
416 (20,21% --)
(33,9% --) (53%
--)
Remarques :
Alors que le pays rejette le projet de
constitution, les Banyulencs l'approuvent ˆ une faible majoritŽ, comme le
canton, et plus que le dŽpartement.
RŽsultat attendu puisque la somme PCF +
SFIO donnait 1376 voix lors de la Constituante prŽcŽdente, mais ici 380 voix
sont manquantes, dont une partie gagne le camp des Non (+155) et une autre
celui des abstentionnistes (+225), alors que 18 voix des votes nuls de
l'Žlection prŽcŽdente se sont aussi abstenues (total alors "correct"=
243). Mais o situer les 35 nouveaux inscrits ?.
Le problme du chassŽ-croisŽ des
Žlecteurs d'une Žlection ˆ l'autre, ou d'un tour sur l'autre, est difficile ˆ
rŽsoudre et sera analysŽ ultŽrieurement; il est pourtant capital si l'on veut
interprŽter valablement les reports de voix. La solution rŽside (en partie) dans
l'examen des listes d'Žmargement.
Tout laisse supposer ici que ces nouveaux inscrits
ont tous votŽ Non (155 + 35 =190). Total correct, mais hypothse improbable !,
qui suppose que les "225 radicaux" d'octobre 1945 ont tous votŽ NON
(hypothse logique et vraisemblable). Pourtant : 416 - 225 = 191 voix de plus
pour le Non !
Remarque complŽmentaire:
On
observe que ce rŽfŽrendum est le seul dans toute l'histoire de France ˆ donner
un rŽsultat nŽgatif, et ne correspond pas ˆ un plŽbiscite puisque le gŽnŽral de
GAULLE ni aucun autre leader n'est en cause. Les mŽrites et les dangers du
texte ont ŽtŽ discutŽs ˆ l'AssemblŽe et devant le pays. De tous les partis, le
MRP a jouŽ le r™le essentiel.
6 - Constituante du 2 juin 1946
Le premier projet de constitution rejetŽ, une
nouvelle AssemblŽe constituante doit tre Žlue.
Quatre
listes sont en prŽsence :
1- Le PCF avec Leo FIGUéRES (dŽputŽ
sortant), AndrŽ TOURNƒ, Mlle Gilette ANGLES.
2- Les socialistes SFIO avec Louis
NOGUéRES (d.s), LŽon-Jean GRƒGORY, Arthur CONTE.
3- Les Radicaux avec Franois DELCOS
(dŽputŽ sortant), Joseph GASPARD, le Docteur RenŽ ARGELLIéS.
4- Le MRP fait son apparition dans le
dŽpartement avec Pierre LAFONT, Jacques DELMAS, Henri DESARNAUD.
La campagne est
dominŽe par la rupture de l'alliance tacite socialo-communiste liŽe ˆ l'aide
Žconomique amŽricaine (mission LŽon BLUM aux USA) et surtout ˆ la tension des
rapports Est-Ouest.
Aux critiques du PCF, les dirigeants de la SFIO rŽpondent par
une campagne violemment anticommuniste. Les postes clŽs du gouvernement
provisoire sont dŽtenus par la SFIO. Or les problmes internes (ravitaillement,
reconstruction, inflation, colonies) et externes ne cessent de s'accumuler.
Les
trois partis associŽs dans la formule du "tripartisme" ne sont en rŽalitŽ
d'accord sur aucun programme.
Depuis
la victoire du NON, le MRP se targue d'tre le meilleur rempart contre le
communisme et d'avoir ŽvitŽ ˆ la France un " coup de Prague", tandis
que les communistes, bien organisŽs notamment par le biais de la CGT, jouent la
carte de la lŽgalitŽ rŽpublicaine et de la dŽfense des intŽrts des
consommateurs, contre la politique du ministre des finances et de l'Žconomie
nationale (le socialiste AndrŽ PHILIP).
RŽsultats :
Banyuls DŽpartement MŽtropole
Inscrits :
2074 (+16 / mai 46) 138.570 24.696.949
Abst. : 462 (22,27%) (21,98%)
(18,10%)
Votants : 1612
(77,73%) (78,02%)
(81,90%)
Blancs : 22 ( 1,36%) (
1,28%)
( 2,03%)
S.Expr. : 1590
(76,66%) (77,01%)
(80,30%)
PCF : 625 (39,30% S.E) (38,20%S.E)
(26,20% S.E)
SFIO : 507 (31,88% --) (26,49%--)
(21,10%--)
Radic : 255 (16,03% --) (22,77%--)
(11,50%--)a
MRP : 203 (12,76% --) (12,57%--)
(28,10%--)
:
(12,80%--)b
a: Radicaux
+ UDSR (formation ˆ laquelle appartient F. MITTERRAND)
b:
ModŽrŽs + Divers Droites
Remarques :
Les abstentions sont moins
importantes que pour le rŽfŽrendum et se rapprochent de celles de la premire
assemblŽe constituante.
Le
PCF reste largement en tte ˆ Banyuls (comme dans le dŽpartement) mais amorce
un lŽger recul (voir le 21/10/1945), surtout par rapport aux municipales de
l'annŽe prŽcŽdente, alors que les inscrits sont en augmentation (+78). Ce fait
confirme le rŽsultat national o il est dŽpassŽ par le MRP qui lui ravit le
titre de premier parti de France.
Le
Parti Socialiste rŽgresse (-183 voix) sans doute au profit du Parti Radical.
A
Banyuls dont la tradition la•que est bien implantŽe, le score du MRP qui
dispose d'un Žlectorat modeste reste faible .
Pour
la premire fois depuis la LibŽration, communistes et socialistes n'ont plus la
majoritŽ absolue dans la nouvelle assemblŽe constituante (avec respectivement :
153 et 139 siges contre 302 dans l'assemblŽe prŽcŽdente), tandis que le MRP
obtient 169 siges et supplante le PCF comme premier parti de France.
Le
MRP voit son leader Georges BIDAULT devenir prŽsident du gouvernement
provisoire. Le tripartisme est reconduit par la force des choses (9 ministres
MRP, 5 SFIO et 7 PCF, plus un radical et un sans-parti (Yves FARGE) qui se voit
confier le . . . ravitaillement !, poste peu enviable ˆ cette Žpoque)
Naturellement,
cette assemblŽe n'a pas ŽtŽ Žlue seulement pour gouverner, mais surtout pour
Žlaborer, enfin, un nouveau texte constitutionnel, et ceci dans les plus
grandes difficultŽs Žconomiques intŽrieures, les problmes d'une indispensable
Žvolution en Indochine, ainsi qu'en pleine tension internationale (Žchec des
conversations soviŽto-amŽricaines pour une paix durable).
Le
dŽbat sur le deuxime projet de Constitution s'oriente, par la force des
choses, vers des compromis entre
les trois composantes de la majoritŽ. Compromis renforcŽ par une certaine
lassitude du pays, le dŽsir de sortir du provisoire et les inquiŽtudes liŽes ˆ
la dŽgradation de la situation Žconomique et les Žvnements en Indochine.
Note complŽmentaire :
Lors de ce scrutin 26 candidates (sur 331) ont ŽtŽ Žlues: 15 communistes, 4 socialistes SFIO et 7 MRP, soit pour un total de 522 siges: 4,98 %.
Au total 370 dŽputŽs sortant ont ŽtŽ rŽŽlus.
Groupement des Žtiquettes politiques:
Les Žtiquettes politiques sont moins nombreuses qu'en 1945 avec seulement 59 Žtiquettes diffŽrentes et seulement 2762 candidat(e)s, consŽquence de la loi Žlectorale et des rŽsultats de 1945 qui ont favorisŽ les formations politiques homognes. Il est possible de se limiter aux groupes suivants:
Groupe 1: Listes du Parti communiste franais et apparentŽs.
Groupe 2: Listes du Parti socialiste SFIO et apparentŽs.
Groupe 3: Il contient une dizaine d'Žtiquettes diffŽrentes correspondant aux formations politiques qui se sont ralliŽes au RGR ou, sinon, reprŽsentant des Žlecteurs de mme nature politique.
On peut estimer que ce groupe contient la grande majoritŽ des ŽlŽments qui s'Žtaient dispersŽs en 1945 sur les listes groupŽes dans les groupes 3, 4, 5 et 6.
Groupe 4: Listes du MRP ou qui lui sont directement apparentŽes.
Groupe 5: Listes se rŽclamant du PRL ou du parti paysan, plus celles de droite non apparentŽes au MRP (environ une trentaine provenant de l'URD, de la vieille droite conservatrice. Les Žlecteurs de ce groupe en 1946 para”t provenir de ceux classŽs en 1945 dans les groupes 9 et 10, mais aussi une forte proportion du groupe 8.
Groupe 6: Comme en 1945, il renferme le Žtiquettes impossibles ˆ classer dans les ensembles prŽcŽdents. Elles sont aussi moins nombreuses qu'en 1945, soit parce qu' elles Žtaient fantaisistes, soit parce que le r™le politique de la RŽsistance tend ˆ s'estomper avec le temps, soit sous la pression d'une loi Žlectorale qui pŽnalise considŽrablement les formations politiques moins bien implantŽes.
Comparaisons du collge Žlectoral et de sa reprŽsentation entre octobre 1945 et juin 1946:
En raison des imperfections plus ou moins grandes des lois Žlectorales des Žcarts existent entre le collge Žlectoral (les Žlecteurs) et sa reprŽsentation.
Ces Žcarts peuvent avoir deux origines
1/ La loi Žlectorale:
Elle dŽtermine le mode de dŽsignation des Žlus ( ou reprŽsentants).
Les qualitŽs d'une loi Žlectorale reposent sur trois caractŽristiques: l'uniformitŽ, la non- sŽlectivitŽ, la fidŽlitŽ par rapport aux nuances politiques.
- une loi Žlectorale est dite uniforme dans une rŽgion donnŽe lorsque, dans cette rŽgion, chaque Žlu reprŽsente le mme nombre d'Žlecteurs.
- une loi Žlectorale est dite non sŽlective lorsqu'elle donne lieu ˆ la reprŽsentation de toutes les nuances politiques existant au sein du collge Žlectoral. Elle est dite sŽlective dans le cas contraire
- une loi Žlectorale est dite fidle par rapport aux nuances politiques lorsque les Žlus reprŽsentent le mme nombre d'Žlecteurs, quels que soient les politiques auxquels ils appartiennent.
Quelles que soient la bonne volontŽ du lŽgislateur, toute loi Žlectorale s'Žcarte toujours des qualitŽs idŽales dŽfinies ci-dessus; Elle sera considŽrŽe comme correcte si les Žcarts auxquels elle donne lieu ne sont pas trop grands et surtout n'ont pas de caractre systŽmatique.
La loi Žlectorale dŽfinie par des majoritŽs parlementaires sera souvent modifiŽe selon les circonstances politiques et les alliances entre partis (ne serait-ce que pour en rŽduire, voire en Žliminer d'autres). Elle variera entre le scrutin d'arrondissement et la proportionnelle intŽgrale. Chaque systme prŽsentant des avantages et des inconvŽnients, c'est dire qu'aucune loi Žlectorale n'est idŽale. Le problme du dŽcoupage des circonscriptions, du seuil de voix nŽcessaire pour un candidat pour se maintenir ˆ un second tour, d'apparentements possibles ou non entre listes ˆ un second tour, autant de questions qui ont leur importance.
La loi Žlectorale du 17 aožt 1945 et les ordonnances qui suivent fixent les conditions des Žlections de 1945, puis de 1946, pour la mŽtropole et les territoires d'outre-mer relevant du ministre des Colonies
- En ce qui concerne la mŽtropole, l'unitŽ administrative de base est, en principe, le dŽpartement, mais celui-ci est fractionnŽ en plusieurs circonscriptions. Chaque dŽpartement a deux reprŽsentants au moins. S'il compte plus de 100 000 habitants de nationalitŽ franaise au recensement de 1936, il a droit, en outre, a autant de reprŽsentants que sa population comprend de fois 100 000 habitants au delˆ de la premire tranche; la fraction dernire donne droit a un dernier sige si elle excde 25 000.
Par exemple les PyrŽnŽes-Orientales avec 138 528 inscrits ont droit ˆ trois reprŽsentants.
- Tout candidat doit nŽcessairement faire partie d'une liste, et toute liste comporter un nombre de noms de candidats Žgal ˆ celui des siges ˆ pourvoir dans la circonscription. Nul ne peut tre candidat dans plus d'une circonscription (il n'en a pas toujours ŽtŽ le cas dans le passŽ) ni sur plus d'une liste. Chaque liste doit verser avant le scrutin un cautionnement non remboursŽ dans le cas ou la liste n'obtient pas 5 % des suffrages exprimŽs.
- Le mode de scrutin est dit scrutin de liste dŽpartemental ˆ un tour, avec liste bloquŽe, sans vote prŽfŽrentiel ni panachage, et avec utilisation des restes dans le cadre dŽpartemental par la mŽthode de la plus forte moyenne. Il est attribuŽ ˆ chaque liste, dans une circonscription donnŽe, autant de siges que le nombre de voix recueillies par elle contient de fois le quotient Žlectoral. Ce dernier est Žgal au nombre total des suffrages exprimŽs dans la circonscription divisŽ par le nombre de siges ˆ pourvoir.
D'autres rgles permettent, dans des cas plus complexes, l'attribution du sige non pourvu.
Ce mode de scrutin prŽsente certaines caractŽristiques. L'impossibilitŽ du vote prŽfŽrentiel et du panachage des listes, comme la proclamation des Žlus d'une liste dans leur ordre de prŽsentation, privent l'Žlecteur de la possibilitŽ de choisir son reprŽsentant. Ainsi le collge Žlectoral ne peut que choisir entre les diffŽrentes listes, c'est-ˆ-dire entre des programmes, et in fine, entre les diffŽrents partis politiques. L'Žlecteur n'est consultŽ que sur le choix de partis et non sur le choix de la personnalitŽ de ses reprŽsentants. Cela limite les possibilitŽs de renouvellement de la reprŽsentation nationale, mais surtout professionnalise et infŽode l'Žlu ˆ son parti puisque sa dŽsignation dŽpend des instances dirigeantes. En consŽquence, les opŽrations statistiques dŽfinies par la loi Žlectorale ne sont pas ˆ proprement parler des Žlections, mais se rapprochent plut™t d'opŽrations statistiques du type des rŽfŽrendums.
2/- La tactique Žlectorale des partis politiques:
Certains partis, dans diverses circonscriptions, peuvent se dŽsister avant le scrutin pour ne pas gner l'obtention d'un sige par tel parti plus proche de lui. Ses Žlecteurs accroissent ainsi anormalement les scores attribuŽs au seul parti voisin. Un phŽnomne semblable peut rŽsulter de la constitution de fŽdŽrations politiques ou de cartels ˆ l'occasion de certains scrutins; ces regroupements occasionnels ont pour effet de diriger sur certaines listes les suffrages de citoyens appartenant ˆ des formations politiques plus ou moins diffŽrentes. Ainsi pourra na”tre d'une circonscription ˆ l'autre et d'un scrutin ˆ l'autre des mouvements d'Žlecteurs qui peuvent ne pas tre de mme sens. Comme lors d'Žlections ˆ deux tours les reports des voix au second seront difficiles ˆ analyser.
En raison de l'existence de ces Žcarts, il s'ensuit que la comparaison des rŽsultats de deux Žlections gŽnŽrales successives ne peut se faire avec le maximum de correction que sur le nombre des suffrages exprimŽs obtenus par les diffŽrents groupes politiques.
Mais ici apparaissent de nouvelles difficultŽs:
- D'une part, le nombre des abstentions varie ˆ chaque scrutin, et l'apport de voix nouvelles selon les partis est rarement proportionnel aux rŽsultats prŽcŽdemment enregistrŽs.
- D'autre part, les Žtiquettes Žlectorales peuvent varier d'un scrutin ˆ l'autre, comme par exemple en 1945 et 1946. ces modifications peuvent dŽrouter bon nombre d'Žlecteurs, surtout lorsque les personnalitŽs qui figurent sur les listes sont peu ou mal connues localement.
- Enfin, d'une Žlection ˆ l'autre, les alliances Žlectorales peuvent elles-mmes se modifier comme en 1945 et 1946, par exemple en ce qui concerne certaines listes de la RŽsistance ˆ caractre socialisant, ralliŽes ˆ la SFIO en certaines circonscriptions en 1945 et au RGR en 1946.
Pour toutes ces raisons, la comparaison des rŽsultats de deux scrutins successifs selon les groupes politiques est une opŽration prŽsentant une certaine variabilitŽ. Cette comparaison permet toutefois, avec les rŽserves mentionnŽes, de mesurer l'impact des partis sur l'Žlectorat, leur fidŽlisation ou non, leur sanction ou non ˆ l'issue de chaque lŽgislature.
- Les abstentions:
Pour l'ensemble de la mŽtropole le pourcentage des abstentionnistes le 21 octobre 1945 est de 20,2 % contre 18,2 % le 2 juin 1946, diminution qui n'est pas en relation avec le nombre des inscrits qui se sont peu accrus en 8 mois, mais ˆ un retour plus normal de la vie dŽmocratique et peut-tre une meilleure mobilisation fŽminine (?).
Dans le dŽpartement, avec 21,7 % en 1945 l'on est trs proche de la moyenne nationale, alors qu'en 1946 l'Žcart se creuse avec 22 %, soit + 3,8 d'Žcart.
D'une manire gŽnŽrale l'abstentionnisme est un phŽnomne rural et dans les circonscriptions o l'influence des partis communiste et socialiste est la moins forte. Les taux d'abstentions ont assez peu variŽ dans chaque circonscription d'une Žlection ˆ l'autre, ou sinon dans le mme sens, les rŽfŽrendums donnant d'ailleurs des rŽsultats identiques. Il dŽpasse 25 % en Corse (39 % et 38,7 %), la Creuse (31,4 % et 28,9 %), le Gers (33,6 % et27,1 %), l'Isre (25,4 % et 25,6 %). A contrario les dŽpartements o les taux sont les plus faibles, infŽrieurs ˆ 15 %, sont: le Nord (2me c: 10,9 % et 10 %; 3me c: 12,6 % et 12,1 %), le Pas-de-Calais (2me c: 12,5 % et 11,1 %), la Seine, la Seine-et-Oise, la Somme (14,9 % et 13,3 %)
- RŽsultats en fonction des groupes politiques:
1/ Communistes et apparentŽs.
Ce groupe Žtant homogne, les comparaisons des deux scrutins successifs peuvent tre considŽrŽes comme correctes.
Ce groupe a obtenu en mŽtropole 26,02 % des S.E en 1945 et 26,19 % en 1946, bien que sa reprŽsentation parlementaire passait de 148 ˆ 146 Žlus. Il constitue le premier parti de France. "Victime" du pacte germano-soviŽtique et de son soutien inconditionnel ˆ l'URSS avant-guerre. Le parti dissous et ses dirigeants poursuivis, voire internŽs, sont rŽtablissement clandestin interviendra lors de l'invasion de l'URSS par l'Allemagne nazie. La rŽsistance hŽro•que du peuple russe et la reprise de Stalingrad, puis la reconqute du terrain perdu, redonne une certaine virginitŽ au parti. Son action dans la RŽsistance franaise et son rapprochement du gŽnŽral de Gaulle contribueront ˆ sa rŽintŽgration dans la RŽpublique reconstituŽe lors de la crŽation du gouvernement provisoire.
Si dans notre dŽpartement les scores de 1945 et 1946 sont sensiblement Žquivalents (39,96 % et 38,20 %), LŽopold FIGUéRES Žtant rŽŽlu, ils progressent dans de nombreuses circonscriptions rurales tendis qu'ils marquent un recul sensible dans des circonscriptions de grandes agglomŽrations urbaines et de centres industriels.
2/ Socialistes SFIO et apparentŽs:
Ce groupe est Žgalement relativement homogne. Il subit un recul non nŽgligeable de 1945 ˆ 1946 (23,77 % ˆ 21,06 %). Sa reprŽsentation, subissant la pŽnalisation rŽsultant de la loi Žlectorale qui frappe les petites formations apparentŽes, chute de 134 ˆ 115 Žlus.
On remarque que le recul enregistrŽ par chaque liste socialiste en diminution profite assez rarement ˆ la liste communiste qui lui Žtait opposŽe, mais para”t le plus souvent avoir profitŽ ˆ la liste RGR de la mme circonscription. On peut prŽsumer qu'une partie des voix radicales disparues aprs la LibŽration s'Žtait portŽe sur des listes socialistes en 1945. Cette situation traduit l'Žtroite parentŽ de cette fraction des Žlecteurs socialistes et radicaux, entre lesquels ont pu s'effectuer d'un scrutin ˆ l'autre des transferts de voix non nŽgligeables.
Notre dŽpartement enregistre pour ce parti un recul considŽrable (de 38,24 % ˆ 26,49 %), recul qui ne profite pratiquement pas ni au PCF ni au radicaux. Comme la seule diffŽrence notable entre les scrutins de 1945 et 1946 est l'apparition du MRP, tout laisse supposer que cet Žlectorat avait votŽ pour la SFIO en 1945, ˆ moins d'un glissement de gauche ˆ droite. Comme en 1945 Louis NOGUéRES est Žlu.
3/ Parti radical et radical-socialiste et apparentŽs (dominante RGR):
Ce groupe fort hŽtŽrogne comprend les groupes 3, 4, 5 et 6 de 1945 dont les totaux sont comparŽs ˆ ceux obtenus en 1946 par le RGR et les listes qui lui sont apparentŽes. Si ce groupement est diversifiŽ en raison des Žtiquettes nombreuses que l'on y rencontre, les limites en sont ˆ gauche la SFIO et ˆ droite le MRP.
Dans l'ensemble ce groupe est passŽ de 11,12 % en 1945 ˆ 11,54 % des S.E. en 1946, alors que ses Žlus passent de 35 ˆ 39.
Ce groupe progresse dans de nombreux dŽpartements ruraux, mais Žgalement ˆ Paris (1Žre, 2me et 3 me circonscription), en Seine-et-Oise (1re c.). Dans notre dŽpartement le parti radical montre une grande stabilitŽ, renforcŽe par le fait que les candidats sont les mmes ˆ une unitŽ prs (le Dr. R. ARGELLIéS remplace G. PAMS). Comme en 1945 Franois DELCOS est Žlu.
On note que ce groupe possde de nombreux suffrages exprimŽs non reprŽsentŽs dans 73 dŽpartements, dont le total atteint 56,6 % de ses propres suffrages en 1945 et 46,7 % en 1946. De ce fait un Žlu reprŽsente 58 849 voix, contre35610 au PCF et 36 415 ˆ la SFIO.
4/ MRP et apparentŽs:
Ce groupe est relativement homogne permettant une comparaison convenable entre les deux scrutins.
Dans l'ensemble ce groupe voit ses suffrages s'accro”tre de 24,91 % des S.E. en 1945 ˆ 28,09 % en 1946.
Il enregistre une avance supŽrieure ˆ 5 % dans de nombreux dŽpartements ruraux en raison de la disparition de 1946 de listes de petites listes d'origine politique variŽe issues de la RŽsistance, de gauche comme de droite. Il comprend des voix aussi bien ˆ droite (Entente rŽpublicaine) que plus au centre-gauche (UDSR) ou de rŽsistants. On observe que les gains les plus forts embrassent des circonscriptions trs diverses. Fait plus inattendu, l'apport de voix qui s'Žtaient dirigŽes en 1945 sur des listes socialistes (ou socialisantes) dans d'assez nombreuses circonscriptions.
Par contre, ce groupe enregistre des reculs dans des circonscriptions au bŽnŽfice du PRL pour la plupart, parfois du RGR. Les pertes sont donc enregistrŽes au bŽnŽfice de listes de droite, souvent nouvellement apparues en 1946
Dans notre dŽpartement, avec 12,57 % des S.E., il est loin de correspondre ˆ la moyenne mŽtropolitaine. Non reprŽsentŽ en 1945, l'apparition de ces voix demeure quasi "miraculeuse" lorsque l'on compare les deux scrutins de 1945 et 1946; sensiblement mme nombre d'inscrits, mme abstention, mme vote blanc et nul, mme nombre de suffrages exprimŽs. Curieusement les voix du MRP ne peuvent provenir que de la SFIO, il est vrai partis associŽs au gouvernement. La soustraction entre les voix obtenues par la SFIO en 1945 (40 771) et en 1946 (28 273) Žgale 12 498, nombre qui correspond presque exactement ˆ celui du MRP en 1946 (13 413).
5/ Groupe des listes de droite:
Sont rangŽes dans ce groupe toutes les listes distinctes de celles du MRP. Des rŽserves sont ˆ apporter quant ˆ l'homogŽnŽitŽ de ce groupe et par consŽquent les rapprochements d'ordre numŽrique qui peuvent tre faits entre les deux scrutins de 1945 et 1946. Ses avances ou ses reculs dans un nombre relativement limitŽ de dŽpartements proviennent le plus souvent de tactique Žlectorale ayant conditionnŽ la prŽsentation ou le retrait de certaines listes de droite, d'o un report des voix correspondantes sur d'autres listes; les Žchanges se sont, en gŽnŽral, opŽrŽs avec le MRP, sans que cette rgle ait ŽtŽ absolue.
Ce groupe a vu ses suffrages s'abaisser de 13,27 % en 1945 ˆ 12,77 % en 1946, le nombre de ses Žlus demeurant de 62. On peut d'avantage y voir une certaine stabilitŽ, d'autant plus que ce groupe a eu une trs forte proportion de suffrages non reprŽsentŽs, atteignant 19,7 % en 1945 et 19,3 % en 1946, soit dans ce dernier cas prs de 500 000 voix; un Žlu reprŽsentant ainsi 40 965 voix, alors que pour les partis communistes ou SFIO il reprŽsente 36 500 voix.
Conclusion:
A l'aube de la IV me RŽpublique, il est particulirement intŽressant d'analyser les premiers scrutins de 1945 et 1946 qui dŽfinissent la base Žlectorale sur laquelle repose les formations politiques et qui permettent ˆ de nombreuses personnalitŽs d'Žmerger et qui s'illustreront dans les annŽes futures. L'analyse permet Žgalement d'observer les changements ou non par rapport aux annŽes qui ont prŽcŽdŽ la cŽsure occasionnŽe par le rŽgime de Vichy.
On peut dŽjˆ observer une certaine stabilitŽ du personnel politique, qu'il soit d'Žchelon local ou national. La fonction politique tend ˆ devenir une sorte de "catŽgorie professionnelle" dont les personnalitŽs ne peuvent qu'tre issues des principaux partis selon des critres internes, ceci renforcŽ par la loi Žlectorale elle-mme, Žtablie par consensus entre les grandes formations, et qui laisse peu d'espoir ˆ de petites listes nouvelles comme celles issues de la RŽsistance par exemple.
L'Žlectorat communiste manifeste une grande stabilitŽ avec une extension aux milieux ruraux non nŽgligeable.
L'Žlectorat socialiste marque une rŽgression certaine, quoique amplifiŽe par la loi Žlectorale. Si une fraction des suffrages qu'il a perdus s'est portŽe sur les listes communistes dans certaines circonscriptions, c'est surtout au profit du RGR et parfois du MRP. L'importance des transferts qu'il a eus avec le RGR montre la proximitŽ des Žlectorats de ces deux partis, d'o le risque d'une dŽrive moins "marxiste" du Parti socialiste dans l'avenir.
L'Žlectorat radical, pŽnalisŽ par la loi Žlectorale (plus d'un million de voix non reprŽsentŽes, soit 1 Žlu pour plus de 58 000 voix) , para”t en voie de regroupement. Son poids Žlectoral devrait tre plus dŽterminant lors des rŽfŽrendums.
L'Žlectorat du MRP a vu sa clientle s'accro”tre avec une grande rapiditŽ par la disparition des Žtiquettes traditionnellement nombreuses et variŽes de l'ancien centre droit et de l'ancienne droite (discrŽditŽe par l'Žpoque vichyssoise). Actuellement majoritaire, il bŽnŽficie des modalitŽs statistiques de la loi Žlectorale. Aux deux scrutins on a observŽ de nombreux transferts de suffrages avec les autres partis de droite, et il est impossible de prŽvoir si ces transferts prendront fin, se poursuivront dans les deux sens ou finiront par s'Žtablir ˆ sens unique.
L'Žlectorat du PRL et des autres partis de droite paraissent se redresser avec difficultŽ (souvent marŽchalistes durant l'Occupation) et, au surplus, pŽnalisŽs par la loi Žlectorale (prs de 500 000 voix non reprŽsentŽes).
L'ensemble des partis politiques para”t donc tendre,
sous la pression de la loi Žlectorale du 17 aožt 1945, vers un regroupement qui
devrait faire dispara”tre de nombreuses nuances politiques constituant
avant-guerre la spŽcificitŽ franaise (vÏu pieux vraisemblablement).
7 - RŽfŽrendum du 13 octobre 1946
Un
texte est adoptŽ par l'AssemblŽe constituante par 443 voix (PCF + SFIO + MRP)
contre 106 (Radicaux + IndŽpendants + "Gaullistes").
Ce
texte est naturellement un compromis : les pouvoirs du Conseil de la RŽpublique
("SŽnat") et ceux du PrŽsident de la RŽpublique sont accrus, mais
l'AssemblŽe nationale conserve la prŽŽminence. Le statut de l'Union franaise
est aussi revu.
La question posŽe sera :
"Approuvez-vous la constitution adoptŽe par l'AssemblŽe Nationale
constituante".
Le 16 juin, le gŽnŽral de GAULLE est
sorti de sa rŽserve par un grand discours ˆ Bayeux (1) fustigeant le rŽgime
d'assemblŽe qui rend le pouvoir exŽcutif otage des rivalitŽs de partis. Il expose les grandes lignes de la
Constitution qu'il estime la meilleure pour la France (2). Ë ƒpinal, le 22
septembre, il condamne catŽgoriquement le projet ŽlaborŽ par les trois grands
partis.
Naturellement il fera campagne pour le
NON, suivi pour d'autres raisons, par le parti Radical qui s'attriste de la
transformation de l'ancien SŽnat en simple Conseil, les IndŽpendants et les
"Gaullistes" (qui n'ont pas encore constituŽ une formation politique
et sont "dispersŽs" chez les radicaux, le MRP et les ModŽrŽs).
Le rŽfŽrendum se transforme en grande
partie en une lutte pour ou contre de GAULLE.
Le MRP, tiraillŽ entre sa fidŽlitŽ au
GŽnŽral et ses partenaires du Gouvernement et de l'AssemblŽe, finit par se
dŽcider en faveur des seconds.
Le PCF soutient fermement le OUI contre
DE GAULLE reprŽsentant de la rŽaction, la SFIO approuve le texte qui sauvera la
RŽpublique par la stabilitŽ, le MRP plus modŽrŽment parce qu'il y voit la fin
du provisoire et la possibilitŽ de rŽviser ultŽrieurement cette constitution .
. . pas encore nŽe !
RŽsultats :
Banyuls DŽpartement MŽtropole
Inscrits : 2135 (+
61 / juin) 139.321 24.905.538
Abst. : 964 (45,15%)
(37,36%) (31,2%)
Votants : 1717 (54,84%)
(62,64%) (68,8%)
Blancs : 4 ( 0,24%)
( 1,34%) ( 1,4%)
S.Expr. : 1167
(54,66%)
(61,80%) (67,42%)
OUI : 832 (71,29% S.E) (66,6%
S.E) (53,5% S.E)
NON : 435 (28,70% - -) (33,4%
--) (46,5% --)
Remarques :
Les abstentions se sont accrues par
rapport au prŽcŽdent rŽfŽrendum (+14,59 % ˆ Banyuls et +11,9% en mŽtropole),
traduisant une lassitude des Žlecteurs (c'est la 7 me Žlection depuis un an)
et une dŽception aprs les espoirs nŽs ˆ la LibŽration.
Le OUI, s'il l'emporte largement ˆ
Banyuls a cependant reculŽ (-164 voix) par rapport au 5 mai. Il permet de mieux
mesurer l'audience des partis (PCF + PS = 1132 voix le 2 juin).
Le NON a Žgalement diminuŽ (-81 voix par
rapport au 5 mai). L'audience de DE GAULLE appara”t trs faible ˆ Banyuls
d'autant plus que les radicaux et les modŽrŽs avaient appelŽ aussi ˆ voter non.
Au
plan national, on note que Paris et de nombreux dŽpartements
"modŽrŽs" ont votŽ Non, traduisant un abandon du MRP par son
Žlectorat. Les plus forts pourcentages de Oui se situent dans la moitiŽ sud de
la France.
On notera aussi
le trs faible taux des bulletins "blancs et nuls".
Le taux des
abstentions a considŽrablement augmentŽ par rapport au scrutin de mai (plus de 2 millions). Ainsi le MRP a rendu possible cette victoire contre de GAULLE, qui ne le
lui pardonnera pas. Le nouveau rŽgime de la IV me RŽpublique exclut de fait le
"gaullisme de la vie politique.
Note annexe :
(1) Cf.
Jacques DEBó-BRIDEL: Les Partis contre DE GAULLE. Edit. Aimery Somogy (1948).
(2) Qui sera en partie celui de 1958.
8 - LŽgislatives du 10 novembre
1946
Un mois aprs l'adoption de la
Constitution de la Quatrime RŽpublique, des Žlections lŽgislatives doivent
dŽsigner la premire AssemblŽe nationale.
La campagne Žlectorale est dominŽe par
le dŽsir du MRP de rompre l'alliance contractŽe avec le PCF et qui a constituŽ
le "tripartisme", nŽ dans les conditions particulires de la
LibŽration sous le gouvernement du gŽnŽral de GAULLE (nŽgociŽ ds Alger).
Les socialistes, divisŽs intŽrieurement
entre ses "marxistes" (tendance Guy MOLLET) et ses
"humanistes" (LŽon BLUM et Daniel MAYER), ne souhaitent pas se
sŽparer ni du PCF ni du MRP.
Les "gaullistes" sont
regroupŽs par RenŽ CAPITANT dans l'Union gaulliste (mais le GŽnŽral n'a pas
encore franchi le pas d'tre l'homme d'un parti). Cette formation conna”t ds
sa crŽation en aožt un grand succs qui inquite le MRP (dont la clientle
Žlectorale est proche, sinon identique).
Le Parti Radical existe toujours, et
survit gr‰ce ˆ ses notables vieillissants issus de la IIIe RŽpublique (Edouard HERRIOT, maire de Lyon), de
quelques jeunes et brillants esprits (Pierre MENDéS FRANCE, Edgar FAURE, FŽlix
GAILLARD) et de personnalitŽs bien implantŽes en milieu rural (Maurice FAURE).
IdŽologiquement son espace se rŽduit entre des socialistes modŽrŽs et la
fraction populaire du MRP.
Le mode de scrutin n'a pas changŽ, ˆ
ceci prs que la reprŽsentation proportionnelle est avec rŽpartition des restes
ˆ la plus forte moyenne dans le cadre dŽpartemental.
Dans le dŽpartement quatre listes sont
en prŽsence pour trois siges ˆ pourvoir.
1 - Le PCF propose une liste d'Union rŽpublicaine et
rŽsistante avec AndrŽ TOURNƒ (vice-prŽsident du Conseil gŽnŽral il devient tte
de liste), Leopold FIGUéRES (dŽputŽ sortant, membre du comitŽ central du PCF)
et Mlle Gilette ANGLES.
2 - Le Parti Socialiste SFIO avec Louis NOGUéRES
(dŽputŽ sortant, maire de Thuir, prŽsident du Conseil gŽnŽral), Arthur CONTE,
Melle MŽryem TAILLADE.
3 - Le Rassemblement des Gauches RŽpublicaines (les
Radicaux) avec Franois DELCOS, Joseph GASPARD , RenŽ ARGELLIéS.
4 - Le MRP avec le Docteur Pierre LAFONT, Joseph DE
COHEN, Mme Marie-Louise ROUSSET.
Les communistes, toujours trs actifs,
ont une large audience et leurs chefs dŽpartementaux sont trs estimŽs.
L'hebdomadaire fŽdŽral "Le Travailleur catalan" qui tire ˆ 22.000
exemplaires se charge de souligner les rŽformes accomplies par "leurs
ministres".
Les socialistes n'opposent pas un front
aussi uni en raison des dissensions internes dans le parti, en particulier
entre Louis NOGUéRES et Arthur CONTE (secrŽtaire fŽdŽral), ce dernier dŽu de
ne pas tre tte de liste, se caractŽrise aussi par un anticommunisme rŽsolu.
Les Radicaux proposent un programme
socio-Žconomique opposŽ au collectivisme marxiste des deux listes prŽcŽdentes.
Leur campagne anticommuniste est relayŽe par leur quotidien rŽgional "La
DŽpche". Pour eux, le devoir de l'heure est de refuser le tripartisme.
Le MRP, avec ses inconnus (ˆ l'exception
de P. LAFONT, secrŽtaire fŽdŽral) et sa campagne timide, n'inquite pas les
autres listes, malgrŽ la venue ˆ Perpignan du ministre Francisque GAY. De plus
le clergŽ local semble avoir fait du leader radical "son candidat
officieux" (accusŽ pourtant par un tract "anonyme" d'tre
franc-maon) (1).
RŽsultats :
Banyuls DŽpartement MŽtropole
Inscrits : 2138 (+3) 139.425 25.052.233
Abst : 620 (28,99% ) (25,18%) (22% )
Votants : 1518 (71% ) (74,82%) (78% )
Blancs : 21 ( 1,38% ) ( 1,8% ) ( 1,5% )
S.Expr. : 1497 (70,02% ) (73,47%) (76,65%)
PCF : 644 (43,01% S.E ) (41,26% S.E) (28,90% S.E)
SFIO : 408 (27,25% -- ) (23,35% - -) (17,90% - -)
Radic. : 308 (20,57% - -) (26,69% - -) (12,14% - -)
MRP : 137 ( 9,15% -- ) ( 8,66% -- ) (26,40% -- )
ModŽrŽs : ...............................................................................(12,80%
- -)
U.G. :
...............................................................................( 1,60% - -)
Remarques :
Les abstentions ont diminuŽ (-16,16% ˆ
Banyuls et -9,20% dans le pays). Si l'on considre un taux d'abstention de 22%
comme une valeur "normale" on observe, ˆ Banyuls comme dans le
dŽpartement, des valeurs assez nettement supŽrieures, peut-tre du fait de
l'absence de candidats de la droite classique (ModŽrŽs et IndŽpendants).
Les trois partis au pouvoir se partagent
les suffrages des 3/4 des Žlecteurs mais les positions commencent ˆ se
prŽciser.
Le PCF redevient le premier parti de
France, il demeure aussi en tte ˆ Banyuls, reprend quelques voix par rapport ˆ
l'Žlection lŽgislative prŽcŽdente (+19) mais ne retrouve pas les voix de celle
du 21 octobre 1945 (-45). Sur le plan dŽpartemental, il a un Žlu comme
prŽcŽdemment. Sur le plan national, il a nettement progressŽ en voix (prs de
400 000) et en siges (182 dŽputŽs avec les apparentŽs).
Le Parti Socialiste poursuit son Žrosion
(-99 voix), consŽquences de ses luttes internes, tant au plan dŽpartemental que
national (o il perd prs de 700 000 voix et une trentaine de dŽputŽs).
Pour Banyuls, Henri GERMA indique que 57
bulletins ont ŽtŽ modifiŽs par les socialistes en plaant Arthur CONTE en tte
de liste ˆ la place de NOGUéRES, contre seulement cinq changements chez les
communistes, trois chez les radicaux, et un au MRP. Le mme phŽnomne s'observe
au plan dŽpartemental.
Les Radicaux progressent ˆ Banyuls
(+53), mais modestement, comme sur le plan dŽpartemental et national o, avec
l'UDSR, ils totalisent +500 000 voix et disposent respectivement de 43 et 26
siges. Ils paraissent avoir bŽnŽficiŽ du fait qu'ils ont eu peu de part dans
la politique gouvernementale naturellement critiquŽe. F. DELCOS (RGR) enlve la
seconde place devant L. NOGUéRES.
La reprŽsentation parlementaire dans le
dŽpartement demeure donc inchangŽe, ˆ ceci prs que pour le PCF AndrŽ TOURNƒ
remplace LŽo FIGUéRES, le Radical Franois DELCOS retrouve son sige et
"double" Louis NOGUéRES qui a perdu 3,14% par rapport au 2 juin.
Le MRP rŽgresse ˆ Banyuls malgrŽ son
faible score du 2 juin (-66 voix),
comme dans le dŽpartement et le pays (-1,7%). Il dispose encore de 167 dŽputŽs.
Pour les commentateurs, il bŽnŽficie de l'inorganisation des partis
conservateurs ou modŽrŽs (environ 14%).
L'Union gaulliste (U.G.) ne reprŽsente
pas encore une force politique dans le pays.
ConsŽquences de ces
Žlections :
Le choix du nouveau PrŽsident du conseil
s'avre dŽlicat puisque, selon la tradition, il appartient au groupe
parlementaire le plus important de revendiquer ce poste. Maurice THOREZ (PCF)
est ainsi dŽsignŽ comme candidat devant la Chambre des dŽputŽs. Il obtient 259
voix sur 579 votants, recueillant outre les voix communistes et apparentŽes
(182), 77 voix socialistes (tendance Guy MOLLET, soutenu par Vincent AURIOL et
FŽlix GOUIN) contre 101 (tendance Max LEJEUNE, AndrŽ PHILIP, Gaston DEFFERRE,
ƒdouard DEPREUX). La majoritŽ nŽcessaire Žtant de 310 voix, on passe ˆ un autre
candidat.
BIDAULT entre en lice et recueille . . .
240 voix! Maurice SCHUMANN n'a-t-il pas lancŽ le slogan "Bidault sans
Thorez", mettant en cause toute solution tripartite.
Les socialistes ne veulent pas se
sŽparer des communistes ni de la CGT afin de prŽserver une trve sociale bien
nŽcessaire, et s'opposent au MRP sur la question la•que (comme certains
radicaux), tandis que les ModŽrŽs trouvent le MRP trop ˆ gauche dans le domaine
Žconomique.
C'est l'impasse: l'inflation menace, le
ravitaillement laisse ˆ dŽsirer, les problmes coloniaux ne sont pas rŽglŽs,
les "politiques" se discrŽditent dans l'opinion, et pis encore. . .
le "spectre de DE GAULLE plane", et l'Žlection prŽsidentielle
approche.
Pour en sortir provisoirement, les
communistes se dŽclarent partisans d'un gouvernement socialiste. LŽon BLUM
(SFIO) se prŽsente et recueille 575 voix sur 590! mais ne peut constituer un
gouvernement autre qu'homogne (tous les ministres SFIO), le MRP refusant
d'accepter les exigences du PCF.
Le 16 janvier 1947, Vincent AURIOL
(SFIO) est Žlu PrŽsident de la RŽpublique par 452 voix (2), contre 252 (au
candidat MRP), 122 (ˆ un Radical), 60 (ˆ un ModŽrŽ).
Le premier acte du nouveau prŽsident
est, selon la coutume, de recevoir la dŽmission du PrŽsident du conseil. Il
dŽsigne Paul RAMADIER (SFIO) pour constituer un nouveau gouvernement. Celui-ci
est de nouveau tripartite associant, pour la dernire fois, communistes et MRP ˆ
ŽgalitŽ de ministres.
Franois BILLOUX (PCF) devient ministre
de la DŽfense nationale, mais l'on prend la prŽcaution de couper son ministre
en trois (Guerre, Air, Marine). Maurice THOREZ est vice-prŽsident du Conseil
(3), Georges BIDAULT (MRP) est aux Affaires Žtrangres. L'UDSR a deux ministres
(dont un certain Franois MITTERRAND, jeune dŽputŽ de la Nivre, aux Anciens
Combattants et Victimes de guerre (4).
Notes annexes :
(1) Document de l'auteur.
(2) Cf. Vincent AURIOL: Mon
septennat (1947-1954). Edit. Gallimard (1970). Cf. Eric Ghebali: Vincent
Auriol. Le prŽsident citoyen. Edit. Grasset (1998)
(3) Auteur de l'ouvrage: Fils du
peuple. Edit. Editions Sociales (1949).
(4) Cf. Pierre PEAN: Une jeunesse franaise, Franois MITTERRAND 1934-1947. Edit. Fayard (1994).